Peut-on choisir d’aller en L ?

Au pays de Balzac et de Victor Hugo, la filière littéraire est en train de perdre ses lettres de noblesse… Mais tout n’est peut-être pas perdu ! Arguments…

C’est un fait : depuis une quinzaine d’années, les effectifs de la section L ne cessent de baisser. Considérées comme des voies de garage, les lettres, la philosophie et les langues vivantes n’attirent plus. Pire : elles font peur ! Et si certains élèves ont tout de même encore la vocation, d’autres se trouveraient orientés en L « par défaut », parce que recalés en S ou ES. Ainsi, en devenant une voie de repli, « L’image de la filière littéraire ne cesse de se dévaloriser, avec un effet boule de neige négatif », indique Pascal Lebert, professeur de français au lycée Charles de Gaulle de Vannes (Morbihan).

C’est grave docteur ?

La situation est grave, mais pas désespérée… Un rapport de l’Inspection générale met en évidence des chiffres qui ne trompent pas. En suivant une filière littéraire, les étudiants ont moins d’opportunités pour continuer dans l’enseignement supérieur : ainsi, seuls 19 % des élèves de L entrent à l’université contre 40 % des élèves de S ! De même, leur insertion professionnelle est plus difficile : selon une étude du Cereq, les bacheliers de 1998 sortis de L connaissent un taux de chômage de 8,8 % contre 6,5 % pour les ES et 4,4 % pour les S. Mais, attention, le vent est en train de tourner : savoir bien écrire, avoir un esprit ouvert, être capable d’analyser l’information, c’est disposer de compétences à nouveau recherchées dans le monde du travail. « Dans les métiers de la gestion éditoriale sur internet, notamment, les profils littéraires ont toutes leurs chances » affirme Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie et directeur adjoint de l’UFR de philosophie à l’université Paris-Sorbonne. À bon entendeur…

Peut-on changer les choses ?

Dans le cadre de la réforme du lycée, des ajustements sont prévus sur les cours de spécialités en 1ère et Terminale L. Mais un autre élément très nouveau apparaît : la mise en place, dès la seconde, d’un nouveau cours intitulé « Littérature et Société ». D’une durée de deux heures hebdomadaires, ce cours abordera des sujets de société qui susciteront débats et productions personnelles. Pour Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation Nationale, « Cet enseignement vise à montrer aux élèves l’intérêt d’une formation humaniste, qui met l’accent sur la sensibilité, l’ouverture, la créativité… Ce qui devrait les inciter à suivre la voie littéraire. » Mais ce nouveau cours fait déjà bondir les sceptiques. Certains membres du collectif « Sauver les lettres »*, professeurs de lettres classiques, regrettent des intitulés « très vastes, fourre-tout » et une contradiction entre les objectifs affichés et le temps qui leur sera consacré. D’autres militent pour « rendre obligatoire certains cours » : arts, latin, grec… Si ces matières étaient imposées, feraient-elles naître de belles vocations ? Le débat reste ouvert…

*En savoir plus : www.sauv.net

LE SAVIEZ-VOUS ?

D’après les chiffres du ministère de l’Éducation Nationale, il y aurait 79 % de filles en filière littéraire ! Serait-ce parce qu’elles se dirigent d’emblée vers des emplois dans les services (social, secrétariat, communication) ? On constate aussi ce phénomène dans la plupart des pays d’Europe. Ou bien est-ce tout simplement parce que les filles aiment plus lire que les garçons ? Possible… À entendre les éditeurs, c’est la gente féminine qui consomme le plus de littérature !

TÉMOIGNAGES

Marie, 16 ans, en seconde

« La sensibilité avant tout »
Apprendre à analyser, à réfléchir à des questions existentielles… C’est son truc. Marie désire s’orienter en L pour faire de la psychologie son métier.
« Ce qui m’intéresse, c’est le cheminement qu’il faut suivre pour appréhender ces matières. En lettres, en philo, il ne suffit pas d’apprendre puis d’appliquer. Il y a tout un parcours personnel, une sensibilité qui se met en place pour comprendre le sujet. C’est passionnant. »

Emeline, en 1ère année d’Histoire à la Sorbonne

« Pour devenir adulte, il n’y a pas que les maths ! »
Emeline avoue avoir eu de la chance : ses professeurs d’Histoire ont toujours su la passionner.
« Pour moi, choisir cette voie a été une évidence et non un dépit, malgré les inquiétudes mon entourage… J’ai toujours aimé comprendre le passé car il sert à mieux appréhender le présent. Je trouve que cela aide à devenir adulte et il n’y a pas que les maths pour ça ! Les littéraires sont des gens ouverts, capables de s’intéresser à de nombreux sujets, y compris la politique. Et ils peuvent travailler dans de nombreux secteurs : édition, bibliothèques, journalisme, enseignement etc. »

Par Angela Portella, avec Romain Giry dans le N°26 du magazine Imagine ton futur

Plus d’infos sur imaginetonfutur.com



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