Les grandes écoles critiquées pour leur réticence à l’ouverture sociale
Les réticences des grandes écoles à accueillir 30% d’étudiants boursiers, alors que les plus sélectives comme Polytechnique ou l’Essec sont encore loin de cet objectif gouvernemental, ont suscité de vives critiques et relancé la question des concours de recrutement.
Fin 2009, la Conférence des grandes écoles (CGE), qui regroupe la plupart de ces établissements du supérieur, a désapprouvé la notion de « quotas » et jugé que « toute autre politique » que des soutiens individualisés aux candidats issus de milieux défavorisés « amènerait inévitablement une baisse du niveau moyen ».
Cette prise de position a été qualifiée d' »antisociale » par le patron de Sciences Po Paris, Richard Descoings, qui a ouvert son école depuis 2001 à des étudiants pauvres, puis de « scandaleuse » par le commissaire à la Diversité et à l’Egalité des chances, Yazid Sabeg, ainsi que par SOS racisme.
Le gouvernement a ensuite réaffirmé l’objectif d’accueillir 30% de boursiers dans les grandes écoles, le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, jugeant « profondément choquant » le lien fait par la CGE entre ouverture sociale et baisse du niveau moyen.
Mercredi, celle-ci a précisé sa position: « nous ne refusons pas d’accueillir 30% de boursiers dans les grandes écoles, nous refusons d’accueillir, école par école, 30% de boursiers », a dit son délégué général, Pierre Aliphat.
« Mais le dispositif que représente l’ensemble des grandes écoles françaises est tout à fait prêt à accueillir 30% voire plus de boursiers s’ils ont les compétences pour réussir », a-t-il ajouté.
Cette position reflète le fait que toutes les écoles ne sont pas au même niveau: celles d’ingénieurs ont en moyenne 22,9% de boursiers, mais parmi elles Polytechnique n’en a que 11,03%, selon le ministère de l’Enseignement supérieur. De même, les écoles de commerce très sélectives comme l’Essec ou HEC en ont seulement 12,3%.
L’objectif de 30%, affirmé en novembre par Mme Pécresse, est pourtant la suite logique de la politique gouvernementale consistant à porter à 30% le taux de boursiers dans les classes préparatoires aux grandes écoles, qui selon le gouvernement a été atteint à la rentrée 2009.
Après deux à trois ans de « classe prépa », il serait donc logique que ce taux se retrouve dans les grandes écoles d’ici la rentrée 2012.
Si tel n’est pas le cas, et si les écoles les plus sélectives traînent des pieds, cela pose la question de leurs concours de recrutement qui, selon M. Descoings ou le président de l’Unef, Jean-Baptiste Prévost, comportent des épreuves discriminantes pour les étudiants venant de familles pauvres.
En novembre, le gouvernement a d’ailleurs lancé une mission « sur la discrimination sociale lors de l’accès aux concours des grandes écoles ». Menée par les inspections générales de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, elle doit remettre ses conclusions d’ici juin.
Mercredi, tout en se disant opposée à des « quotas à l’entrée des grandes écoles », Mme Pécresse leur a lancé: « N’ayez pas peur d’essayer de changer vos méthodes de recrutement pour prendre des jeunes qui ont de la valeur ».
L’Unef, première organisation étudiante, a elle appelé à faire « voler en éclat » la « sacro-sainte sélection à l’entrée » des grandes écoles, en diversifiant les épreuves de concours et en baissant les frais d’inscriptions.
Pour son président, Jean-Baptiste Prévost, elles doivent « cesser de fonctionner en vase clos » et « vont être en danger si elles ne bougent pas ».
Source : AFP